Une semaine avec GAIN – Mardi: Répondre aux principaux défis liés à la malnutrition

Passez une semaine avec GAIN, the Global Alliance for Improved Nutrition, et découvrez son travail visant à éliminer la malnutrition qui tue, chaque année, 3.1 million d'enfants de moins de 5 ans et en laisse 162 millions avec de sévères retards de croissance.

Aujourd'hui, Marc Van Ameringen, Directeur Exécutif de GAIN, nous parle des grands défis à relever pour éliminer la malnutrition ainsi que de ses priorités pour les années à venir.

 

Quels sont aujourd'hui, selon vous, les principaux défis dans la lutte contre la malnutrition?

Nous vivons dans une période offrant d'énormes opportunités: nous disposons en effet suffisamment d'aliments pour nourrir la planète entière. Nous avons également les connaissances, la technologie et les ressources pour éradiquer la faim et la malnutrition. Nous pouvons enfin compter sur un nouvel élan, de nouveaux investissements et beaucoup d'innovation.

Ceci dit, le système alimentaire ne fournit toujours pas le bon dosage de nutriments à la majorité de la population mondiale. Il n'y a pas eu, au cours de ces vingt dernières années, de changement significatif du nombre de personnes souffrant de la faim, estimé aujourd'hui à 805 millions. Les carences en micronutriments touchent encore 2 milliards de personnes dans le monde, provoquant des retards de croissance chez 162 millions d'enfants de moins de cinq ans, dont 97 pourcent se trouvent dans les pays en développement.

En même temps, nous sommes aux prises avec une épidémie de surpoids et d'obésité, qui touche maintenant près de 1.4 milliard de personnes, provoquant une augmentation dramatique de maladies non-transmissibles et de dépenses de santé, que les pays à faible et moyen revenus sont mal préparés à affronter. Dans les pays en développement avec des économies émergentes, le taux d'augmentation de surpoids chez les enfants est 30% plus élevé que dans les pays développés, ce qui crée un double fardeau de dénutrition, surpoids et obésité.

Quelles mesures faudrait-il prendre pour corriger cela?

Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le système se corrige lui-même. La pauvreté, les changements climatiques, les tendances démographiques et les crises humanitaires s'ajoutent aux énormes défis auquel un système alimentaire déjà surchargé est confronté. Le système agricole contribue déjà à lui seul à près d'un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si la tendance vers un régime alimentaire occidental se poursuit, la production agricole atteindra à elle seule, voire dépassera, les objectifs fixés en matière d'émission de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. De plus, la plupart des aliments que nous produisons sont gaspillés: plus de 30% des aliments produits dans le monde pour la consommation humaine chaque année – ce qui correspond à la somme faramineuse de 1.3 milliard de tonnes d'aliments – sont perdus ou gaspillés.

Des tendances globales comme l'urbanisation, qui tendent à éloigner les personnes de leurs régimes alimentaires traditionnels et saisonniers pour recourir à des aliments transformés et pré-emballés compliquent encore davantage ce tableau. Selon les estimations de l'ONU, deux tiers de la population mondiale vivra dans des villes d'ici à 2050, posant des défis énormes en matière d'infrastructures notamment pour l'Afrique et l'Asie, où 90% de cette croissance devrait avoir lieu. Les systèmes alimentaires urbains de plusieurs pays ne se développent pas assez rapidement pour répondre aux défis posés par cette croissance rapide de la population.

Plusieurs régions du monde où le taux de la malnutrition figure déjà parmi les plus élevés sont également touchées par de graves crises humanitaires telles qu'Ebola en Afrique de l'Ouest ou le conflit en Syrie et en Iraq. Ces crises auront un impact à long terme sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, ce qui pourrait entraver les progrès dans la lutte contre la faim et la malnutrition.

Nous avons besoin de plus d'ambition, de plus d'innovation et de plus de leadership pour créer un système alimentaire capable de fournir une alimentation saine à chaque personne sur cette terre. Pour GAIN, cela correspond à un système alimentaire qui génère une demande pour une nourriture saine , qui accroît les rendements agricoles ainsi que la qualité nutritionnelle des aliments et agit en tant que source d'idées innovantes tout en reconnaissant les interventions qui améliorent la valeur nutritionnelle des aliments telles que la fortification des aliments et l'allaitement, qui ont déjà fait leurs preuves.

Nous devons soutenir des solutions durables et favoriser le dialogue autour de l'alimentation idéale. Nous devons également encourager l'émergence d'un système alimentaire mondial qui dépasse les mauvais régimes alimentaires pour que nous puissions résoudre la question de la malnutrition sans exporter la crise de l'obésité par inadvertance. En Afrique, les investissements colossaux dans la technologie de téléphonie mobile ont permis à chaque ménage, même ceux qui ne disposaient pas de lignes terrestres, de posséder un téléphone mobile. Nous devons nous demander s'il ne serait possible de faire de même avec un système alimentaire nutritif.

Quelles sont vos priorités pour les années à venir?

Dans les années à venir, nous allons nous concentrer sur la mise en œuvre de solutions visant à redresser le système alimentaire mondial et qui prennent en compte les relations étroites entre durabilité, alimentation et santé. L'éradication de la faim, l'amélioration de la nutrition et la promotion d'une agriculture durable figurent en haut de la liste des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) proposés. Ceci dit, nous devons garder cet élan et nous assurer que la nutrition soit comprise dans le programme pour l'après-2015.

Le fait que le Groupe de travail ouvert de l'ONU ait mis l'amélioration de la nutrition en haut de la liste des OMD proposés est encourageant. Or, pour redresser le système alimentaire, nous avons besoin d'un effort collectif à l'échelle mondiale axé sur deux impératifs : fournir des preuves de « ce qui marche », et favoriser de nouveaux partenariats susceptibles d'attirer un nouveau public et de nouveaux investissements pour les solutions trouvées. Il n'existe pas de solution miracle pour la malnutrition. Cependant, la promotion de l'allaitement exclusif et la création de programmes de fortification des aliments à large échelle, ainsi que le soutien à la fenêtre de 1'000 jours pour donner aux enfants le meilleur départ possible dans la vie, nous ont permis de constater que les partenariats multipartites – lorsque les gouvernements, la société civile et les entreprises travaillent conjointement - constituent la clé de la réussite. Pour atteindre les objectifs du développement, le programme pour l'après-2015 doit donc mettre en avant la réalisation des conditions qui favorisent la réussite des partenariats : des structures claires, des régimes de travail transparents et des mécanismes solides de reddition de comptes.