L'interview | Nathalie Chuard

Organization

Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots ? En quoi consiste votre fonction? Quel est votre objectif?

Depuis 23 ans, le DCAF œuvre à renforcer la sécurité des citoyennes et citoyens en soutenant la mise en place de services de sécurité et de justice efficaces et responsables. Avec près de 220 collègues, 14 bureaux aux quatre coins de la planète en plus de notre siège à Genève, nous sommes reconnus comme un expert de premier plan dans la gouvernance et la réforme du secteur de la sécurité.

J’ai l’honneur, depuis mars dernier, de diriger une organisation fantastique et me réjouis de travailler tous les jours avec une équipe experte et dont l’engagement est remarquable. 

La bonne gouvernance du secteur de la sécurité, fondée sur l'état de droit et le respect des droits humains pour toutes et tous, est une pierre angulaire du développement et de la sécurité et je suis fière que les personnes soient au centre de notre approche. 

Notre travail, bien que complexe dans le monde d’aujourd’hui, est, je crois, plus important et nécessaire que jamais, compte tenu de l'état actuel du monde. C’est pourquoi l’une de nos priorités est de renforcer notre agilité afin de mieux soutenir nos partenaires dans les pays fragiles ou touchés par un conflit. En Ukraine, par exemple, il s'agit de former les institutions chargées de la sécurité au droit humanitaire international ou à la manière d'aider les victimes de violences sexuelles liées au conflit.
 

Organization


Parmi la concentration d'acteurs à Genève (OI, ONG, missions permanentes, universités et secteur privé), avec qui travaillez-vous et comment?

Le DCAF est profondément ancré dans la Genève Internationale. Il est pour nous prioritaire d’établir des liens avec tous les acteurs et actrices de la place, et de pouvoir ainsi partager notre expertise au niveau international. 

Nous sommes l’un des cinq membres fondateurs de la Plateforme de Genève pour la consolidation de la paix, qui encourage les interactions entre différentes institutions et secteurs pour renforcer les efforts collectifs en faveur de la paix. Notre volonté est de contribuer aux discussions à Genève, de sortir de nos positions de confort respectives et d’amplifier les voix du terrain qui apportent leur propre expérience dans les discussions. 

Pour la première fois, avec le soutien de la Confédération et alors que la Suisse siège au Conseil de sécurité, nos échanges se déplaceront cet automne également à New York, permettant de faire le lien entre les institutions et amener un peu de l’esprit de Genève de l’autre côté de l’Atlantique. 

De manière générale, nous sommes engagés au quotidien avec de nombreuses institutions – comme l’ONU ou le CICR -, de manière à contribuer au développement de concepts normatifs et faciliter la coordination et la cohérence de l'aide internationale pour les processus menés au niveau national de réforme du secteur de la sécurité.

À ce titre, les nombreuses missions permanentes présentes à Genève sont également nos partenaires privilégiés. Notre Conseil de fondation, qui compte 54 membres représentant 51 États plus le canton de Genève, est la pièce centrale de notre gouvernance ainsi que le lien avec nos actions sur le terrain. Sans le soutien de nos partenaires et donateurs, le DCAF ne pourrait pas accomplir sa mission. 
 

Organization

Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité?

Le travail du DCAF se situe au cœur des domaines des droits humains, de la paix et de la sécurité et du développement. Dès lors, notre mission bénéficie de ces synergies et contribue à faire avancer les priorités de la Genève internationale. 

Le DCAF est reconnu comme une organisation neutre et chacune de nos actions obéit aux principes d’impartialité, d’appropriation locale, de participation inclusive et d’égalité des genres. Ces principes font notre force. Grâce à eux, nous sommes sollicités par une diversité d’actrices et acteurs, tant étatiques que non étatiques, pour les accompagner dans leurs processus de réforme ainsi que de supervision démocratique du domaine de la sécurité. 

Nous nous appliquons à renforcer notre expertise locale. Travailler avec des partenaires sur le terrain, entendre les témoignages de la population locale est un aspect que nous devons absolument renforcer, y compris au sein de la Genève Internationale. Il est crucial de combler le fossé entre la politique et la pratique, et de faire une différence dans la vie des populations concernées et de ne laisser personne de côté, dans l’esprit du Programme de développement durable à l'horizon 2030.  
 

Organization


A quoi devrait ressembler la gouvernance mondiale dans 20 à 30 ans?

Les défis sont nombreux : les conflits deviennent de plus en plus complexes, souvent alimentés par des griefs profonds contre les institutions publiques et l’influence d’un monde de plus en plus multipolaire. Pour y faire face, une gouvernance inclusive et participative est nécessaire, notamment en renforçant la place des organisations de la société civile. Cela permet d’amplifier les voix des populations concernées, des femmes et des jeunes en particulier, afin de trouver de nouvelles réponses aux problèmes de fond auxquels notre monde est confronté.

Il faut répondre à ces défis dès aujourd’hui en revalorisant le multilatéralisme pour encourager les principes démocratiques, l’état de droit et le respect des droits humains - des éléments sur lesquels repose la bonne gouvernance du secteur de la sécurité. Dans notre monde complexe, nous devons – plus que jamais – pouvoir être en mesure de dialoguer et trouver des solutions ensemble. 

Le DCAF a ainsi contribué aux consultations de l’ONU qui ont permis d’aboutir à un Nouvel Agenda pour la Paix du Secrétaire général, car il est essentiel de revitaliser la bonne gouvernance du secteur de la sécurité pour améliorer la prévention des conflits. 

Nous devons aussi agir collectivement pour relever les défis transnationaux de sécurité posés par le changement climatique, l’accroissement des migrations forcées, et la révolution amorcée par les nouvelles technologies, et notamment l’intelligence artificielle.

Organization


Quelle question auriez-vous aimé que l'on vous pose? Et qu'est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ?

Actuellement, la multiplication et l'escalade des conflits à travers le monde - y compris les terribles pertes humaines et les souffrances au Moyen-Orient - me troublent beaucoup. Il semble que le monde ait perdu son humanité. Pour le DCAF et d'autres organisations, il devient de plus en plus complexe de répondre aux besoins de nos partenaires et d'assurer la sécurité de nos équipes. En même temps, nous sommes absolument convaincus que nous devons rester engagés dans des contextes fragiles, afin de préparer le terrain pour des institutions de sécurité plus responsables et inclusives lorsque le moment sera venu, et de contribuer ainsi à la construction de la paix.

Le changement climatique est aussi un sujet qui me préoccupe beaucoup. Cela, et la dégradation de l'environnement qu’il implique sont des menaces alarmantes pour la paix et la sécurité du XXIe siècle. Les secteurs de la sécurité et de la justice ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le changement climatique et ses effets. C'est là que l’expertise du DCAF peut devenir une force de changement en promouvant une approche globale de la part des institutions de sécurité et de justice afin de protéger à la fois les personnes, la planète et la paix.


Biographie de Nathalie Chuard

En savoir plus sur le DCAF

 

Voir toutes les interviews

Page navigator