L'interview | Gloria Gaggioli

Organization

Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots? En quoi consiste votre fonction? Quel est votre objectif? 

L’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève est une institution académique unique qui vise à développer et disséminer le savoir dans toutes les branches de droit international qui touchent aux situations de conflits, post-conflits et autres situations de violence, y inclus le terrorisme. Le but ultime étant d’apporter une protection juridique solide et complète aux victimes de telles situations. 
L’Académie est une des rares institutions qui apporte une vision décloisonnée du droit international ; à savoir une conceptualisation dans laquelle droit humanitaire, droits humains, droit international pénal, droit des réfugiés se complètent et s’entremêlent pour former un tissu de protection optimal pour les individus.

Très concrètement, nous formons les leaders de demain dans le domaine de l’humanitaire au sens large et nous menons à bien des projets de recherche fondamentale et appliquée qui permettent d’orienter les débats et d’influencer États, organisations internationales et non gouvernementales et entreprises notamment. Les recherches actuelles menées à l’Académie sont focalisées autour de quatre axes : 1) digitalisation et nouvelles technologies ; 2) les acteurs non-étatiques ; 3) mise en œuvre et responsabilité ; 4) développement durable.

Ma fonction consiste à faire en sorte que l’Académie demeure un acteur central de la Genève internationale ; qu’elle soit un pôle d’attraction mondial pour les experts – présents et futurs – dans le domaine du droit humanitaire et des droits humains ; qu’elle intègre l’innovation dans tous ses secteurs d’activité en vue d’assurer l’excellence de l’enseignement et de la recherche qui caractérise l’Académie.

Mon objectif est que l’Académie soit le premier acteur qui vienne à l’esprit de toute personne – jeune diplômé ou praticien - qui souhaite se former en droit humanitaire et droits humains et de tout chercheur qui souhaite que sa recherche dans ces domaines ne soit pas confinée à des bibliothèques, mais qu’elle permette d’influencer les preneurs de décision et in fine d’améliorer dans les faits la protection des victimes des conflits armés et autres situations de violations de violence et d’instabilité. 

 

Organization

Parmi la concentration d'acteurs à Genève (OI, ONG, missions permanentes, universités et secteur privé), avec qui travaillez-vous et comment?

Nous travaillons étroitement avec l’Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales et de Développement et l’Université de Genève, dont l’Académie est un centre conjoint. Des professeurs de ces deux institutions, de même que des académiques et experts des quatre coins du monde, viennent enseigner dans nos programmes. Nous collaborons aussi étroitement avec le Comité international de la Croix-Rouge, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme et de nombreuses organisations non gouvernementales travaillant dans nos domaines.

Nous collaborons de multiple façon : en menant des projets de recherche conjoints, en organisant des événements et courtes formations conjointes, en offrant notre expertise dans le cadre de table ronde et autres. Depuis 2019, la Geneva Human Rights Platform a permis de renforcer encore au sein de l’Académie la collaboration entre toutes les parties prenantes dans le domaine des droits humains - experts, praticiens, diplomates et société civile – en offrant un forum dynamique pour discuter et débattre de questions et défis d'actualité. S'appuyant sur la recherche et travaux académiques, il permet à divers acteurs de mieux se connecter, de briser les silos et, par conséquent, de faire progresser les droits humains. Nous sommes aussi en contact constant avec des États qui sont les acteurs prédominants pouvant faire progresser la situation des droits humains dans le monde et le respect du droit humanitaire en temps de conflits. Il convient de noter le rôle clé qu’a toujours joué la Suisse pour l’avancement de la cause humanitaire ; la Suisse a toujours été un soutien et partenaire essentiel de l’Académie. 

 

Organization

Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité?

La force de Genève réside dans le fait qu’il s’agit d’un hub de l’humanitaire et des droits humains : sont présents à Genève le CICR, les organes de supervision des droits de l’homme au niveau universel (le Conseil des droits de l’homme, bien sûr, mais aussi la plupart des organes de traités) et une multitude d’ONGs actives dans le domaine de l’humanitaire au sens large. Outre être une ville internationale hors norme, Genève reflète aussi les valeurs de la Suisse : paix, respect de la personne humaine en tous temps, y compris dans les conflits armés - rappelons que la Suisse est le dépositaire des Conventions de Genève) - accueil des réfugiés, facilitation du dialogue – comme l’a montré récemment la rencontre Biden/Poutine et comme le démontre la volonté actuelle de Berne d’offrir ses bons offices dans le contexte du retour au pouvoir des Talibans en Afghanistan. 

Aussi, Genève, restera – doit rester – sans aucun doute une ville phare de l’humanitaire. 

Dans ce domaine, je ne pense pas que Genève ait des « faiblesses » à proprement parler. Cependant, notre société est en pleine transformation : la crise COVID nous a installés fermement derrière nos écrans et a porté un coup aux contacts directs et en présentiel. De même, les voyages sont empêchés ou ralentis et nous sommes dans l’incertitude quant au futur. Il y a une tendance au repli sur soi qui se reflète dans le domaine des relations internationales par une tendance à la régionalisation (tendance qui a toujours été présente dans la sphère des droits humains et qui a complété utilement plutôt que mis en danger l’universalité des droits humains). Autre défi : la difficulté accrue des acteurs internationaux, en particulier des Etats, de parvenir à un consensus. Pour le développement du droit humanitaire, cela signifie qu’il y aura là aussi une tendance à la décentralisation avec des processus d’experts épars visant à clarifier, voire développer progressivement, le droit humanitaire. Genève demeurera un lieu de prédilection pour de tels processus, mais il ne sera pas exclusif. 

 

Organization

A quoi devrait ressembler la gouvernance mondiale dans 20 à 30 ans?

La gouvernance mondiale devrait être participative, inclusive, solidaire et centrée sur la protection et le respect des individus, du vivant au sens large et de son environnement. Les défis contemporains – la pandémie COVID-19 ou le réchauffement climatique – nous montrent que seule une action concertée de la communauté internationale qui dépasse les frontières et les régions est susceptible d’apporter des solutions. De même, les inégalités au niveau mondial, les conflits prolongés comme en Afghanistan ou la menace terroriste, ont un impact global qui doivent pousser la communauté internationale à dépasser ses clivages pour pouvoir être efficace. Les nouvelles technologies – qui seront sans doute omniprésentes – devraient être mises au service d’une amélioration des conditions de vie en gardant à l’esprit leurs potentielles conséquences dévastatrices si celles-ci ne sont pas suffisamment encadrées. Ces questions se posent déjà aujourd’hui par exemple en lien avec les armes autonomes ou la surveillance de masse sur le web.

 

Biographie de Gloria Gaggioli

En savoir plus sur l'Académie de Droit International Humanitaire et de Droits Humains à Genève

 

Voir toutes les interviews

 

Page navigator