L'interview | Jagan Chapagain

Organization

Comment présenteriez-vous votre organisation en quelques mots ? En quoi consiste votre fonction? Quel est votre objectif?

La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) peut être comprise comme un réseau mondial dont l'action est essentiellement locale. Elle comprend 191 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans le monde entier. C’est un réseau à vocation universelle, néanmoins fortement ancré au niveau local grâce à ses 16,5 millions de bénévoles sur le terrain. Nous répondons présents lors de crises humanitaires, nous collaborons avec les communautés pour réduire leurs besoins et renforcer leur résilience, et nous plaidons en faveur d'une aide humanitaire responsable. L'action de la FICR illustre l’interconnexion de l'humanitaire, du développement et du climat.

En tant que directeur général et secrétaire général de la FICR, j’ai d'une part un rôle d'ambassadeur du plus grand réseau humanitaire du monde, et de l'autre je dirige nos efforts pour devenir toujours plus engagés, innovants et responsables, en mettant à profit nos capacités de leadership et de transformation, ainsi que l'expertise de nos membres.

Dans un contexte de crises de plus en plus fréquentes - que ce soit à cause du changement climatique, de la hausse des besoins de santé suite au COVID-19, de l'augmentation constante des migrations et des déplacements forcés, ainsi que d'autres facteurs qui ont pour effet d'exclure un nombre croissant de personnes du développement économique - la préparation et l'anticipation sont cruciales. Mon objectif est d'assurer que le réseau de la FICR soit bien préparé, bien équipé et prêt à relever ces défis.
 

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Parmi la concentration d'acteurs à Genève (OI, ONG, missions permanentes, universités et secteur privé), avec qui travaillez-vous et comment?

La collaboration est essentielle pour la FICR. Pour avoir un impact positif, nous devons être solidaires et ouverts à collaborer avec de nombreux partenaires dans différents domaines. La FICR collabore avec divers partenaires et parties prenantes à tous les niveaux, plus particulièrement avec des acteurs locaux.

Nous sommes au service des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en charge de l’action humanitaire sur le terrain. Présentes avant, pendant et après les crises, elles assurent l'acheminement de l'aide humanitaire et renforcent la résilience des communautés touchées.

Nous collaborons également avec des OI et des ONG pour garantir une unité dans l'action humanitaire, ainsi qu’avec le monde universitaire pour soutenir la recherche et l'innovation dans le domaine de l'humanitaire. Nous dialoguons avec les États pour défendre les intérêts des populations affectées et nous nouons des partenariats avec le secteur privé afin de développer des mécanismes de financement innovants pour soutenir notre action.

Nos sept principes fondamentaux – l'humanité, l'impartialité, la neutralité, l'indépendance, le volontariat, l'unité et l'universalité – sont notre fil rouge. Ces principes sous-tendent toutes nos activités. Les partenariats, le partage des ressources et l'échange de connaissances techniques nous permettent d’amplifier notre impact et garantir la bonne coordination de l’action humanitaire, dans le respect de la dignité des personnes et des communautés, où qu’elles se trouvent.
 

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Quelles sont les forces et les faiblesses de Genève en ce qui concerne le développement de votre activité?

Genève est un centre névralgique de la coopération et de la diplomatie internationales, une plateforme pour le dialogue et la coordination. La proximité physique et symbolique avec les organisations internationales et les missions diplomatiques facilite l'engagement et le plaidoyer en faveur des individus et des communautés dans le besoin.

Cependant, pour ces mêmes raisons, Genève présente certains écueils pour les organisations humanitaires. Manœuvrer parmi les divers agendas et priorités devient de plus en plus complexe, dans un contexte de ressources limitées et de besoins humanitaires en constante augmentation. Les acteurs présents à Genève doivent équilibrer ces dynamiques tout en créant un climat de collaboration et de soutien mutuel. C'est essentiel si nous voulons atteindre nos objectifs humanitaires.
 

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A quoi devrait ressembler la gouvernance mondiale dans 20 à 30 ans?

La gouvernance mondiale du futur devrait prioriser la localisation. J'aimerais qu’on repense complètement le développement humanitaire en mettant les communautés au centre de la réflexion et de la direction des actions qui les concernent.

Une gouvernance mondiale efficace devrait favoriser le partage des connaissances, le transfert de technologies, et une distribution des ressources adaptée aux besoins sur le terrain. Les communautés devraient avoir plus de pouvoir de décision, car elles comprennent mieux que quiconque le contexte et la dynamique culturelle.

Les organisations internationales continueraient de jouer un rôle de facilitateur, de partage d'expertise, de renforcement des capacités et de soutien à la coordination entre les communautés et les organisations locales. Les décisions seraient prises de manière plus collective, et les idées et le leadership au niveau local mettraient en contexte les engagements et les efforts internationaux, assurant ainsi la durabilité, une distribution équitable des ressources et plus de visibilité pour des régions du monde trop souvent négligées.

La gouvernance mondiale telle que je l’ai esquissée – un réseau d'entités locales autonomes et interconnectées pour former un système réactif, résilient et inclusif, capable de répondre à des défis planétaires dans le respect de la sagesse et de l'autonomie des populations locales – serait non seulement efficace et impactante mais aussi juste. La localisation et l'autodétermination sont intimement liées, et les communautés avec qui nous collaborons ne méritent rien de moins.

 

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Quelle question auriez-vous aimé que l'on vous pose? Et qu'est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ?

J’aurais aimé qu’on me demande : « Qu'est-ce qui vous motive à vous lever chaque matin ? » C'est plus pertinent que de savoir ce qui m'empêche de dormir !

Ayant fait toute ma carrière dans l'humanitaire, j'ai pu observer de près les difficultés et les souffrances qui surviennent lors de situation d'urgence et de crises humanitaires. J'ai aussi pu constater que des centaines de millions de personnes se sentent exclues du développement économique, car elles n’en bénéficient pas. Nous devons renforcer la réponse humanitaire chaque fois que survient une crise, mais aussi faire plus pour favoriser la résilience au niveau individuel et social en adoptant une approche consciente de l'interconnexion entre humanitaire, développement et climat. Il est essentiel d'investir afin de réduire les besoins, si nous ne voulons pas que le système humanitaire cède sous la pression.

Je suis persuadé que pour être efficace dans notre domaine, il faut cultiver la résilience et l'optimisme, si l'on ne veut pas céder à un cynisme dévastateur et paralysant.

Ce qui me motive chaque matin, c'est la conviction qu'en travaillant main dans la main, dans un esprit de coopération et non de compétition, il est possible de réduire les besoins humanitaires et d'empêcher ainsi la souffrance et les pertes. Plus que jamais, la bonté est une valeur essentielle : l'engagement désintéressé de nos bénévoles dans le monde entier, leur volonté de transformer la vie des gens, m’inspire profondément.


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