Juin 1981: Lech Walesa, Président du syndicat polonais Solidarnosc à la 67ème session de la Conférence internationale du travail à Genève

Cette photo d'archives illustre un moment fort dans la vie des Conventions no 87 et 98: l'histoire de Solidarnosc, qu'on peut à bon droit considérer comme le syndicat polonais le plus célèbre, présidé par Lech Walesa, qui devait accéder à la présidence du pays après la fin du communisme. La Pologne a ratifié les deux conventions en 1957, mais l'état d'urgence proclamé en 1981 a permis au Gouvernement de suspendre les activités de Solidarnosc et d'emprisonner ou de faire licencier la plupart de ses dirigeants et de ses membres. Après examen, le Comité sur la liberté syndicale a transmis une plainte à la Conférence internationale sur le Travail de 1982. La Commission d'enquête ad hoc y a vu une violation sérieuse des deux conventions et l'OIT ainsi que de nombreux pays et organisations ont fait pression sur la Pologne pour que Solidarnosc soit finalement légalisé, en 1989. 

La Convention concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical (no 87) est une pierre angulaire du mandat de l'OIT et elle est indispensable pour promouvoir le dialogue social dans le monde du travail. Elle consacre le droit des travailleurs et des employeurs de s'organiser et d'adhérer à des organisations comme ils l'entendent.

Les origines de cette Convention remontent à la Révolution industrielle en Europe, au XIXe siècle, lorsque les retombées de l'industrialisation se faisaient de plus en plus durement sentir sur les travailleurs et leur famille sur le plan social. Au cours de la seconde moitié du siècle, dans un contexte d'insatisfaction généralisée quant aux conditions de vie des ouvriers, des mouvements organisés de travailleurs sont apparus dans toute l'Europe. Des syndicats se sont formés où les travailleurs d'un branche ou l'autre pouvaient joindre leurs forces pour défendre leurs intérêts communs et obtenir de meilleures conditions de vie et de travail. Ces syndicats étaient souvent très proches de partis politiques représentant les travailleurs (socialistes, socio-démocrates ou communistes), dont l'influence et l'ampleur ne cessait de croître à cette époque. A la gauche des mouvements ouvriers, on a longtemps débattu de la question de la lutte des classes par opposition à une approche réformiste basée sur le dialogue social. D'autres syndicats se sont formés sur des bases différentes, la doctrine sociale de l'Église, par exemple.

A la fin du XIXe siècle, les syndicats se sont diversifiés, formant des fédérations aux échelons national et international. Les employeurs, capitaines d'industrie en tête, ont réagi à ce phénomène en s'organisant eux aussi pour défendre leurs intérêts et faire face aux revendications sociales du mouvement ouvrier.

Le dialogue social a toutefois peiné à voir le jour. La loi a consacré la liberté syndicale dans beaucoup d'États européens, mais ailleurs l'Etat s'y est souvent immiscé et les activités syndicales en ont été gênées, voire empêchées.

La Première Guerre mondiale a exacerbé la volonté de conquérir la liberté syndicale et lorsque l'OIT a été fondée en 1919, le Préambule de sa Constitution a affirmé le principe de la liberté syndicale

Au cours des décennies qui ont suivi, la liberté syndicale s'est vue nettement mise en danger, notamment dans les États fascistes comme l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne. Par réaction, l'OIT a adopté la Déclaration de Philadelphie (1944) laquelle affirme que "la liberté d'expression et d'association est une condition indispensable d'un progrès soutenu" et en fait l'un des principes fondamentaux de l'OIT. Quatre ans plus tard à peine, en juin 1948, la Convention internationale du Travail, à sa 31ème session, adoptait la Convention concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical. La même année 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme consacrait, à son article 20, la liberté d'association en en faisant un droit fondamental de tout être humain.

La Convention no 87 a marqué la transformation d'un principe fondamental de l'OIT en norme juridique reconnue sur le plan international, ce qui est essentiel dans la structure tripartie de l'Organisation (Etats, employeurs et organisations de travailleurs). Un an plus tard, en juillet 1949, la Conférence internationale du Travail a adopté un autre texte important, la Convention no 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective. A eux deux, ces instruments juridiques forment l'ensemble de normes le plus complet concernant la liberté d'association, à l'échelon international. Ils constituent une base de référence pour le droit et la pratique du travail en général et comptent désormais parmi les huit Conventions fondamentales de l'OIT.

L'OIT promeut et supervise l'application de la Convention no 87. Une procédure spéciale permet aux gouvernements, aux syndicats et aux organisations patronales de déposer une plainte alléguant une violation des droits des syndicats par les Etats, même ceux qui n'ont pas ratifié les Conventions 87 et 98. Plus de 70 ans après l'adoption de la Convention no 87, l'OIT continue de recevoir, presque tous les jours, des plaintes de ce genre, déposées par les syndicats.

 

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